L’ échauffement quèsaco ?
Échauffement : processus à l’œuvre.
Échauffer c’est, d’une certaine manière, fabriquer de la chaleur. S’échauffer en sport c’est réaliser un ensemble d’actions juste avant la course pour mettre le physique et le mental dans les meilleurs conditions de production d’une performance maximale. Voici une liste de mots clés (ou de grands principes) permettant de mieux cerner la problématique de l’échauffement.
• Météo et échauffement
Ne confondons pas être au chaud et s’échauffer. Même si la température de l’organisme a tendance à plus monter par temps chaud que par temps froid, l’échauffement sportif est un processus par lequel on augmente la température interne de l’organisme ou de certaines de ses parties par le mouvement actif.
Néanmoins, dans la mesure où un environnement chaud favorise la montée en température, on veillera à bien se couvrir pendant l’échauffement si la température est inférieure à 15° (jambières voire bonnet en gants en dessous de 10°…). Bien sûr, s’il fait très chaud, se couvrir devient inutile voire contre-productif (déshydratation, impression d’étouffer, incapacité à forcer à l’échauffement). Avoir trop chaud est le signal qui nous informe qu’il faut se dévêtir, tout simplement.
Sous la canicule, il est même conseillé de « s’échauffer en se refroidissant » : s’asperger d’eau fraîche, placer une éponge mouillée dans le cou, mouiller les mousses du casque, porter une veste réfrigérante…
À l’inverse, par grand froid (5° et moins), il faut privilégier ce qui réchauffe le plus : rouler sur place (home-trainer) pour éviter de prendre du vent, consommer une boisson chaude (ex : thé sucré), se couvrir chaudement de la tête aux pieds (bonnet, sous-vêtement chaud, gants, jambières), et rester couvert le plus tard possible jusqu’au départ (enlever jambières – bonnet – veste 3 minutes avant le départ) pour mieux conserver les bénéfices de l’échauffement.
Il faut donc adapter sa tenue vestimentaire pour rendre l’échauffement optimal quelle que soit la température extérieure.
• Viscosité, frictions, protections
Un fluide chauffé est plus liquide et circule mieux que le même fluide froid. C’est pourquoi en voiture on démarre doucement avant de pousser les rapports. L’échauffement, en diminuant les « frictions articulaires », permet de bouger plus rapidement (ex : il favorise une fréquence de pédalage maximale). À l’échauffement, les liquides intra articulaires se déplacent et épaississent les cartilages des articulations mobilisées, les rendant ainsi mieux protégées contre les chocs ou en cas de contraction maximale. NB : cet aspect prend d’autant plus d’importance que le coureur est plus âgé.L’échauffement améliore également les échanges gazeux au niveau des alvéoles pulmonaires, ce qui permet de mieux absorber l’oxygène et mieux éliminer le gaz carbonique issu de l’effort.
Il en va de même pour les échanges sanguins. Un sang plus fluide circule mieux dans les artères et veines et passe mieux dans les capillaires (par définition très fins) dont l’échauffement favorise l’ouverture. NB : il importe de bien s’hydrater avant et pendant l’échauffement (la déshydratation augmente la viscosité du sang). De même il importe de se contenter d’un repas frugal 3-4h avant la course ou le début de l’échauffement, car l’excès alimentaire augmente aussi la viscosité du sang. Au final l’échauffement, en fluidifiant le sang, améliore les échanges gazeux ainsi que la thermorégulation (notamment évacuation de la chaleur due à l’effort).
• Mobilité
L’échauffement contribue à retrouver toute sa mobilité, d’autant plus que le coureur est plus âgé. La montée en température de l’organisme en général et du système musculo-articulaire en particulier permettent d’augmenter l’amplitude (ex : souplesse de cheville et du bassin en BMX, VTT XCE voire XCO) et la vitesse de mouvement (ex : fréquence de pédalage en BMX ou vitesse sur piste).
Disposer de toute sa mobilité signifie également retrouver toutes ses coordinations, réagir de manière adaptée lors d’un imprévu (ex : faire un écart si un coureur tombe devant nous, mouvement de réchappe en cas de chute), cela contribue donc également à la prévention des blessures. L’échauffement favorise cela en permettant un « réveil proprioceptif » (amélioration des sensations issues de son propre corps). Il importe donc d’intégrer des mouvements requérant des coordinations diverses à l’échauffement (ex : bunny-hop, wheeling, nose wheel, séquences courtes de bmx, section technique d’un circuit xco, sauter du vélo – remonter dessus à la volée…).
• Échauffement et âge
Enfance : les enfants (avant l’adolescence) sont « toujours chauds » (leurs mains, leur tête…sont chaudes, ils bougent tout le temps…), ils ont donc besoin de peu d’échauffement. Leur système aérobie monte à plein régime en environ 30 secondes (un adulte a plutôt besoin de 2 minutes), en gros ils n’accumulent pas d’acide lactique…. Par ailleurs, ils contiennent un fort pourcentage d’eau (enfant : 70% d’eau environ), ils sont donc bien « lubrifiés », souples, « flexibles ». Laissons-les jouer sur leur vélo ou à côté pour « s’échauffer » !
Adolescence : c’est différent à partir de l’adolescence. Pendant le pic de croissance, les os grandissent plus vite que les muscles et les tendons qui de ce fait se retrouvent préétirés et vulnérables. C’est à partir de l’adolescence que l’échauffement à intensité progressivement augmentée prend toute son importance. Par ailleurs le système de la glycolyse anaérobie se met en place, les ados deviennent capables d’accumuler de l’acide lactique, ils découvrent la douleur à l’effort (c’est une des raisons de l’abandon de la pratique sportive, notamment chez les filles). Il faut donc préparer l’organisme à cette « violence », notamment en provoquant des montées d’acide lactique (dette d’oxygène) pendant l’échauffement.
Coureurs âgés : plus on vieillit plus on se déshydrate. À l’âge adulte on est composé d’environ 60% d’eau mais les personnes âgées descendent à 45% voire moins. D’ailleurs plus on vieillit moins on sue. Les personnes âgées sont plus « sèches » et « cassent » plus facilement. Par ailleurs elles bougent moins que les enfants, leur métabolisme ralentit…Raisons de plus pour qu’elles s’échauffent longuement et consciencieusement. Un bon échauffement aide un coureur âgé à se faire moins mal en cas de chute (meilleure souplesse et coordinations, plus de chances de faire une bonne « réchappe » en cas de chute)…et augmente sa quantité de mouvement. Les personnes âgées doivent aussi parfois adapter leur échauffement à des douleurs chroniques (ex : plus de vélocité avant les accélérations afin de bien chauffer un nerf sciatique, des muscles lombaires ou un ischio-jambier récalcitrant…). Avec l’âge la dimension de prévention des blessures par l’échauffement devient centrale.
• Intensité
Il ne faut pas craindre l’intensité à l’échauffement. Mais l’échauffement doit être progressivement intense, au moins à partir de l’adolescence. Chaque étape doit préparer à la suivante. Il doit donc débuter à intensité faible, sur braquet réduit voire en dehors du vélo, puis se poursuivre en vélocité à intensité progressivement croissante, avant de passer à des exercices qui créeront une dette d’oxygène (accumulation significative d’acide lactique), comporter un « sprint final », suivi d’une phase de récupération à faible intensité, qui permettra d’éponger la dette d’oxygène (un peu comme en récupération à l’arrivée d’une course) afin de se rendre sur la ligne de départ « chaud mais pas fatigué ». Avec l’âge les montées en intensité doivent être plus progressives.
• Spécificité
Il faut échauffer de manière plus poussée ce qui sera le plus sollicité dans la spécialité sportive (vtt xco : le souffle, les membres inférieurs en rotation, les habiletés techniques, la capacité à partir vite et le supporter…bmx : la force explosive, la vélocité maximale, la capacité à frotter, les sauts, les appuis extrêmes…poursuite sur piste : la position couchée sur le vélo…)…Mais la spécificité est relative. Malgré les aspects spécifiques il faut réaliser un échauffement général pour « chauffer le moteur », certains aspects de l’échauffement concernent plus ou moins tout le corps (aspects cardiovasculaires, respiratoires, mobilité générale, conditionnement psychologique général).
• Plusieurs sortes « d’échauffement »
Le réveil musculaire, particulièrement important lorsque la course a lieu le matin (« forcer » le réveil de l’organisme) et lorsqu’on avance en âge (« moteur » plus long à chauffer)
L’échauffement proprement dit, d’autant plus poussé que la course est plus courte, que le niveau d’entraînement du coureur est élevé (voir article sur protocole d’échauffement) et que le coureur est âgé
Le « ré-échauffement », important en cas de course en plusieurs manches où l’on risque de refroidir entre deux manches (XCE, BMX, vitesse sur piste…). Attention, il peut être difficile de trouver la volonté de se ré-échauffer entre les manches. Il faut d’ailleurs bien s’hydrater avec une boisson énergétique voire manger entre les manches si elles s’étalent sur une journée entière. Dans ce cas il faut multiplier les petites prises plutôt que faire un repas traditionnel en milieu de journée (source de fatigue digestive exagérée).
• Durée de l’épreuve
Plus l’épreuve est courte plus l’intensité est élevée, plus l’échauffement est poussé, jusqu’à finir en nage (dans ce cas s’essuyer et se changer avant la course elle-même).
• Vitesse de mouvement
Privilégier la vélocité parce qu’elle chauffe plus et plus vite (sauf par temps très chaud?), venir progressivement aux mouvements très rapides pour éviter les contractions parasites sources de possibles blessures
• Psychologie
Un coureur trop stressé confond vitesse et précipitation (part trop vite puis explose), n’est plus lucide, perd son discernement, panique et s’énerve (syncrétisme des émotions)…Un coureur pas assez stressé a tendance à bâcler l’échauffement, à prendre le départ et courir en pensant à autre chose, à « laisser filer » lorsque cela devient trop difficile…
L’échauffement doit « stresser juste ce qu’il faut ». Il doit aider les plus stressés à se détendre par des visualisations positives ( »Enfin je suis en action, ça y est je peux rouler, je vais me faire plaisir sur ce tracé technique, je produirai mon effort dans cette montée, ici je me relâcherai » …), et il doit aider les « pas assez stressés » à augmenter leur niveau de stress (se forcer à s’échauffer intensivement, visualiser la place visée, un départ explosif, des dépassements, des sprints…).
Il doit être intense mais pas trop et permettre au coureur de, justement, se préparer à produire l’effort optimal (ni trop à fond ni trop relâché). Cet optimum se maîtrise au fil des expériences, notamment en testant divers échauffements, y compris des protocoles qui paraissent longs et difficiles car s’il y a bien une « leçon psychologique » à retenir c’est qu’il ne faut pas craindre de s’échauffer !
• Étirements
Les étirements procurent de multiples bienfaits. Néanmoins, à l’échauffement, leur place doit rester mineure en durée (durée de chaque étirement et durée totale) et en intensité. Les étirements poussés et lents ont tendance à « refroidir et calmer », ce qui est antinomique de l’échauffement qui doit « chauffer et stresser juste ce qu’il faut ».
Quelques étirements brefs intégrés dans des séquences actives peuvent donc trouver leur place au sein de l’échauffement, mais en aucun cas ils ne doivent en former le « centre ».
• Hydratation et apport énergétique
L’hydratation doit être abondante de manière générale, ne serait-ce que pour retarder le processus de déshydratation progressive liée à l’âge. Elle devient centrale à l’échauffement, où il importe de rester parfaitement hydraté afin d’éviter toute « viscosité » dans l’organisme et d’assurer la meilleure lubrification des articulations et la meilleure circulation du sang. Suivant la météo, on peut compter 300ml à un litre de boisson à l’échauffement.
La boisson d’échauffement doit être énergétique (mais en général moins dosée que les préconisations des fabricants qui poussent à la consommation), afin de préserver au maximum les stocks de glycogène pour la course et de diminuer le risque d’hypoglycémie.
• Limites
L’échauffement ne règle pas tous les problèmes ! On peut se claquer après un échauffement parfait, notamment à l’adolescence où les tendons et muscles sont préétirés (parce que les os grandissent plus vite que les muscles et tendons) ; on peut réaliser une mauvaise performance après un échauffement qui dans d’autres courses nous a mené au succès (parce qu’on est fatigué, surentraîné, mal conseillé sur des choix matériels, trop stressé par l’entourage ou par l’envie de bien faire, etc.) ; on peut tout simplement s’être mal entraîné (absence de fractionné, absence de périodes de récupération, diététique aberrante, hydratation insuffisante, entraînement 100% sur route pour une course vtt, etc.).
L’échauffement doit rester à sa place. C’est un indiscutable atout pour une bonne performance, qui néanmoins ne peut en aucun cas rattraper des erreurs majeures. Disons qu’il est la dernière touche à donner à une préparation bien menée.
Jean-Paul Stéphan Décembre 2015